Logiciels libres et vie privée
On a tous, dans notre vie privée, une part d’intimité que l’on souhaite préserver.
Ce droit à l’intimité de notre vie privée fait même l’objet d’un article du code civil. Certains affirment ne rien avoir à cacher en affichant publiquement leur adhésion à un parti politique, leur religion, leur statut marital ou encore leur orientation sexuelle. Certes, ces points font partie des informations que nous ne classons pas tous dans la même catégorie entre publique et privée, mais, en y réfléchissant plus, nous avons tous une pudeur qui nous incite à garder secrètes d’autres informations : petites habitudes personnelles, secret de famille, revenus, couleur de ses sous-vêtements…
En creusant encore, on comprend que cette notion d’intimité ne se limite pas à une classification binaire des informations publiques/privées, elle dépend aussi de notre interlocuteur : on parlera sans problème de son salaire avec son patron ou certains de ses amis et beaucoup plus difficilement avec sa concierge ou sa famille, alors que sa religion pourra être partagée avec les membres de sa famille et pas avec ses collègues de travail. Cette zone d’intimité n’est pas figée et peut évoluer dans le temps, et dans les deux sens : on peut être fier à un moment donné d’avoir voté pour un candidat à la présidentielle que l’on soutenait et finalement vouloir cacher notre opinion politique quelques mois plus tard. A des heures plus tragiques de notre Histoire, et encore de nos jours, la divulgation de son appartenance à un mouvement religion peut s’avérer tragique.
Lorsque nous souhaitons communiquer avec nos proches, nous utilisons tout type de moyen : téléphone, courriel, réseaux sociaux en fonction de nos humeurs et de nos habitudes. Mais réfléchissons-nous un instant aux outils et technologies mis en œuvre lors de ces échanges ? Et quelle type d’information échangeons-nous avec nos interlocuteurs ?
Sans nous en rendre compte, car l’outil se fait oublier lorsque nos sentiments sont de la partie, nous échangeons des informations intimes que nous souhaitons partager avec notre correspondant. Intimes car, comme nous l’avons vu, leur statut dépend de la personne à qui l’on s’adresse. Les logiciels utilisés directement (logiciel de messagerie, navigateur web…) et les logiciels gérant les sites internet auxquels nous nous connectons (Facebook, Skype, Hotmail, Gmail, Twitter…) ainsi que l’infrastructure réseau (GSM ou internet) ont été développés par des personnes que nous ne connaissons pas et dont nous ignorons souvent les motivations. Et pourtant, nous leur confions aveuglément ces informations intimes afin qu’elles les transmettent à nos correspondants. Qui nous dit que ces données ne sont pas stockées, analysées, traitées à des fins autres que celles auxquelles nous nous attendons ?
En fait, on le sait, souvent, ces informations sont utilisées dans un but lucratif :
- Google analyse les courriels Gmail pour proposer des publicités plus ciblées ;
- Facebook analyse toutes nos informations personnelles dans le même objectif ;
- Microsoft envoie des informations dont nous ignorons le contenu vers ses serveurs ;
- La plupart des routeurs réseau ont des portes dérobées permettant à leur constructeur d’avoir accès à leur configuration et parfois plus ;
- Les fabricants d’ordinateurs et de téléphones (comme l’iPhone) se permettent le même genre de pratiques.
Depuis les révélations d’Edward Snowden, on sait aussi que tous ces acteurs majeurs américains coopèrent avec les services secrets de leur pays.
N’allons-nous pas découvrir d’autres utilisations de nos données intimes à l’image de ces nouveaux types de virus qui verrouillent l’ordinateur et rançonnent leur propriétaire le menaçant de vider le contenu ?
Qui empêcherait Facebook de demander le règlement d’un abonnement pour garantir la non divulgation de ses conversations privées ? Idem pour Google et les documents qu’on lui confie.
Que peut faire un gouvernement de ces informations intimes comme notre religion ou nos opinions politiques ? Tant qu’il est démocratique, certainement pas grand chose, mais sommes-nous à l’abri d’un changement de mode de gouvernance ?
Alors que faire sans pour autant devenir paranoïaque ?
S’enfermer chez soi et ne plus parler à personne ou bien choisir des outils de communication qui nous garantissent vraiment le respect de l’intimité de sa vie privée.
Faut-il encore utiliser les produits et services de ces mastodontes ?
Le plus sûr serait de s’en passer totalement, et c’est possible, le minimum est de ne plus leur confier notre intimité. Pourquoi remplir la case opinion politique de son profil Facebook si on ne se destine pas à une carrière politicienne ? Pour ma part, bien que mon profil Facebook soit réservé à mes amis, je n’y publie que des informations que je pourrais rendre publiques sans hésitations, c’est-à-dire pas grand chose ou des futilités.
Comment faire en sorte que Gmail n’analyse plus le contenu de mes courriels, la réponse est simple : changer de fournisseurs de messagerie pour un plus respectueux ou gérer son propre serveur de messagerie. Ou encore en chiffrant le contenu de ses messages, c’est à la portée de tout le monde.
Comment éviter les “virus-rançon” ? En utilisant un système d’exploitation non sensible (ou en tout cas beaucoup moins) à ce genre de menace.
Est-ce raisonnable d’utiliser des appareils dont on sait que que le fabricant garde le contrôle à distance ? Je crois que vous avez deviné la réponse.
Quelle alternative ?
Qu’est-ce qui peut garantir qu’un logiciel fonctionne comme on s’y attend, sans surprise, sans porte dérobée, sans s’accaparer les données ? Il n’y a qu’une seule réponse : sa licence libre !
Un logiciel libre, c’est-à-dire sous licence de type libre, est distribué avec son code source, sa recette de fabrication qui décrit clairement comment il fonctionne. N’importe qui peut analyser le fonctionnement interne du logiciel ou peut demander à un informaticien de le faire. Utiliser un logiciel libre plutôt qu’un autre type de logiciel garantit que les données resteront la propriété de l’utilisateur et ne seront pas utilisées à d’autres fins.
Le site PRISM Break indique pour chaque type de logiciels ou de services internet une alternative libre plus respectueuse de notre intimité.
Pour ma part, j’utilise déjà beaucoup de ces alternatives libres et j’essaierai de vous guider dans la mise en œuvre de ces solutions dans de prochains articles…
Aller plus loin
En attendant, vous pouvez lire cette lettre ouverte à ceux qui n’ont rien à cacher de Jean-Marc Manach ou les articles de Numendil sur la vie privée.
Et vous, vous n’avez vraiment rien à cacher ?